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Un salarié sur deux est une femme : le point sur la santé au travail des femmes.

Sorti en juin 2023, le rapport du Sénat concernant la santé des femmes au travail a su ouvrir le débat sur de nombreux points. Des données chiffrées difficilement accessibles, des risques professionnels féminins sous-estimés, mais aussi une santé hormonale et reproductive presque totalement ignorée. La possibilité d’une médecine genrée fait peur, peur d’une discrimination de plus (ou de trop ?), comme nous avons pu le constater récemment au Sénat avec le débat sur la loi concernant le congé menstruel.

Le rapport du Sénat sur la santé des femmes au travail : un état des lieux alarmant 

Les six sénatrices qui ont travaillé durant des mois sur la question de la santé des femmes au travail auprès d’une grande variété de professionnels ont déposé leur rapport au Sénat le 27 juin 2023.

Leur tout premier constat : la grande difficulté à obtenir des informations statistiques genrées, alors que la loi de modernisation du système de santé de 2016 l’impose. Toutefois, comme nous l’évoquions précédemment, la datavisualisation en ligne des données de la Dares nous permet malgré tout de dresser un bilan relativement éloquent de la santé des femmes au travail.

Ainsi lorsque nous étudions l’évolution des informations de prévention santé au travail depuis 1984, les chiffres féminins ont doublé entre 2005 et 2013, mais stagnent depuis 2019 à 29,3 %, là où les salariés masculins sont quasiment la moitié à avoir reçu des conseils de prévention la même année.

La mise en parallèle de ces données avec le récent rapport annuel de sinistralité de la Cnam pour l’année 2022 – qui considère toujours que les secteurs les plus accidentogènes sont ceux de la santé, du nettoyage, de l’alimentation, du transport et du BTP ainsi que celui des salariés en travail temporaire – est plutôt inquiétante. Car les domaines et les situations professionnelles les plus accidentogènes sont, en grande partie, occupés par un public féminin (hormis le BTP et le transport) :  en 2019 29,6 % des femmes travaillaient en travail temporaire contre 6,1 % d’hommes.

Mettre des mots sur les maux : la santé des femmes en 2024

« L’androcentrisme des savoirs médicaux, pensés par et pour les hommes, fait que le corps de l’homme a longtemps été considéré comme le standard de la médecine »1.

Muriel Salle, historienne.

Rappelons tout d’abord que le travail de nuit et les horaires atypiques augmenteraient de 30 % le risque d’apparition du cancer du sein, maladie majoritairement féminine. Ce type d’emploi du temps professionnel concerne principalement les secteurs de la santé et du nettoyage, des emplois occupés par des femmes à 80 % (selon le rapport).

D’autre part, la Cnam considère que les TMS (troubles musculosquelettiques) représentent toujours la maladie professionnelle la plus répandue. Selon le rapport santé des femmes, elles seraient 60 % à en souffrir sans pour autant avoir la possibilité d’en obtenir réparation. Quant à la santé mentale des femmes, elle serait aussi largement sous-évaluée selon les rapporteures du Sénat, qui signalent que les femmes sont trois fois plus nombreuses à déclarer une souffrance psychologique.

La proposition de loi sur la dysménorrhée de février 2024 refusée par le Sénat : différencier, ce n’est pas discriminer !

Parmi les pistes essentielles d’amélioration de la prise en charge de la santé de la femme au travail, le rapport du Sénat tend aussi à mettre en avant le manque de reconnaissance des pathologies liées à la santé sexuelle et reproductive des femmes. Règles incapacitantes ou endométriose, grossesse, parcours médical de procréation assistée ou bien encore conséquences médicales de la ménopause, les femmes doivent affronter tout au long de leur vie des maux encore trop peu pris en charge par la santé au travail.

Ainsi en février 2024, le rapport sur la santé des femmes au travail déposé au Sénat devait déboucher sur une loi concernant un congé menstruel qui permettrait aux femmes, souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose, de ne plus perdre de jours de carence. La loi a été recalée par les sénateurs, principalement car ils craignaient les retombées discriminatoires d’une telle mesure ainsi que le risque de perte du secret médical entre l’employeur et son personnel.

La décision du Sénat n’a pas vraiment étonné Laurence Rossignol, une des rapporteures du rapport santé des femmes au travail qui commentait : « On y viendra. Ce que le politique refuse, la société finit par l’imposer2 ». La médecine genrée, que prône notamment le rapport de juin 2023, inquiète pour des raisons légitimes, il est vrai. Mais ne permettrait-elle de faire évoluer favorablement les besoins de la santé au travail en considérant hommes et femmes sous le prisme de leurs spécificités ?

Pour en savoir plus : nos supports de prévention

  1. https://www.senat.fr/rap/r22-780-1/r22-780-12.html ↩︎
  2. https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-02-15/ils-n-ont-pas-attendu-la-loi-et-offrent-deja-un-conge-menstruel-aux-femmes-elles-racontent-ebb3a9c9-4a0e-4bc2-800f-ef44ae615f08 ↩︎

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